Légiférer, un art subtil.

Le charme et le doigté de Dominique de Villepin semble faire peu d'effet aux jeunes, dont le mécontentement est plus que palpable depuis le début des débats parlementaires sur le CPE.

Pour expliquer de façon très sommaire le CNE/CPE, pendant une durée de 2 ans, l'employeur d'une entreprise de moins de 20 salariés(CNE) ou d'un jeune de moins de 26 ans(CPE) pourra rompre un contrat sans passer par la procédure de droit commun du licenciement.

Selon le droit commun, un contrat à durée indéterminée ne peut être rompu de la part de l'employeur que pour une "cause réelle et sérieuse". Ainsi, les hypothèses de licenciement sont encadrées par la loi (licenciement économique ou pour cause personnelle). Cette exigence est de plus renforcée par une procédure obligatoire au licenciement, destinée à garantir les droits de la défense du salarié .  Un bémol peut être apporté à ce principe pendant la période d'essai. Celle-ci, (librement convenue par les parties dans le respect des conventions collectives), a vocation à permettre à l'employeur d'évaluer l'adéquation entre le salarié et le poste, et lui permet de mettre fin au contrat, sans avoir à apporter de justification. Le juge exerce un contrôle "restreint" sur le licenciement en période d'essai, et ne sanctionne que l'abus de droit.

Or, le CPE/CNE procède une sorte d'extension de la période d'essai à 2 ans, en ce sens qu'elle permet à l'employeur de rompre unilatéralement le contrat sans justification, à cela près que cela n'est pas motivé par la nécessité d'évaluer les capacités du salarié à exercer le poste.

Donc, par analogie, on pourrait dire que le contrôle du juge sur le licenciement d'un salarié sous CPE/CNE sera celui du contrôle de l'abus de droit. C'est le raisonnement que semble avoir tenu le Conseil d'Etat, statuant sur un recours contre l'ordonnance porté par la CGT, CE Sect., 19 oct. 2005("l'ordonnance attaquée n'a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge, afin que celui-ci puisse vérifier que la rupture n'a pas un caractère abusif et n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure disciplinaire et de celles prohibant les mesures discriminatoires")

Le renforcement du contrôle judiciaire de l'abus de droit semble donc être un postulat à la mise en place de ce contrat. Dès lors, la question de l'accueil de ce texte par les juges se pose. Une ébauche de réponse a été donnée par le conseil des prud'hommes de Longjumeaux. Le jugement est en texte intégral sur le site des échos (http://www.lesechos.fr/info/medias/200071838.pdf)

L'article des échos est très bien fait, et je ne peux faire mieux, donc, à lire http://www.lesechos.fr/journal20060223/lec1_france/4387127.htm.

Passer d'une protection dont les règles sont claires a priori à un contentieux exponentiel a posteriori du licenciement, voilà de quoi mécontenter tout le monde, le salarié face à l'insécurité matérielle, et l'employeur face à l'insécurité juridique.

 

 

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